LE GREEN EST SEGMENTANT
Encouragées par la loi PACTE, de nombreuses entreprises planchent sur leur raison d’être. Les questions de responsabilité sociétale sont au cœur de leurs discours.
Parmi les prises de parole RSE des marques, la sauvegarde de la planète se taille la part du lion : bio, sain, recyclage… Pour 52% des Français, la protection de l’environnement est prioritaire (Source : Fractures Françaises 2019 par Ipsos septembre 2019). Mais est-ce vraiment un axe de discours efficace, crédible et fédérateur auprès de tous les Français?
La réponse est non! L’explosion de cet argument l’a banalisé, et la confiance envers les marques n’est pas revenue. Pire, cet argument est segmentant. Il n’a pas d’incidence concrète pour tous dans les comportement réels, au-delà des déclarations de bonnes intentions.
Avec ce type de discours, les marques ont oublié l’autre moitié de la population française sur laquelle pèsent de lourdes contraintes financières. La question du pouvoir d’achat inquiète pourtant 40 à 58% des Français selon les sondages.
Le mouvement des Gilets jaunes a révélé l’état de fragmentation du corps social selon son niveau de revenus et son capital socio-culturel. Un nouveau clivage émerge entre ceux qui ont des problèmes de «fin du mois» et ceux qui craignent la «fin du monde». Rappelons qu’en novembre 2019, 11 % des ménages déclaraient « ne pas s’en sortir du tout ».
- D’un côté, les foyers à l’aise, sensibles aux questions environnementales, qui sont en demande de produits bio, et font parfois de leur consommation un acte militant en prônant la déconsommation.
- De l’autre, les consommateurs plus modestes, qui se sentent frustrés d’adhérer à un discours qui ne tient pas compte de leur situation économique et de leurs valeurs. Ils sont beaucoup plus sensibles à l’aspect social qu’environnemental: prix accessible, maintien des emplois en France
Si le premier camp est très bien adressé par les marques, le second se sent dénigré. On lui reproche de penser d’abord pouvoir d’achat alors que la Planète brule. On culpabilise ceux qui s’inquiètent de savoir comment ils vont boucler le mois, car ils ne sont pas dans le camp du bien.
A titre d’exemple, il est intéressant d’observer ce qu’il s’est passé lors Black Friday le 29 novembre dernier. Les détracteurs se sont mobilisés pour dénoncer la surconsommation et appeler à son boycott. Pourtant, ce fameux vendredi noir a encore battu des records en France : plus de 56 millions de transactions en une journée, en hausse de +12% sur un an.
Il y a donc là un enjeu marketing important pour les marques. Savoir s’adresser à une diversité de publics, sans ignorer ou culpabiliser les besoins court-termistes et l’aspect social de la consommation.
E.Leclerc a ouvert la voie avec sa nouvelle campagne « Ce n’est pas si facile de changer sa façon de consommer » signée BETC. Finis les injonctions culpabilisatrices, les bons sentiments « green » et le manger sain pour « bobo citadin ». L’enseigne se met à la place de tous. Oui c’est chiant de consommer responsable, oui ça demande des efforts, oui on perd du temps. Mais l’humour dédramatisant permet de dépasser ce constat pour créer un effet miroir sympathique et positif. Un exemple à suivre.
Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay
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